le monde n'est pas fini
et quand le vent se lève
notre visage est différent
l’amour défait l’amour
pour devenir plus que lui-même
qui va mourir
sait que la beauté est inexorable
je regarde ton souffle
tu t’évapores
l’obscur du temps est un ongle
derrière l’œil
il faudrait tenir sa langue
jusqu’au commencement du monde
la lumière est terrible
la mer ressasse
tu cherches un point parmi le jour
le présent est sans but
sans contour
et le sommet des pierres
ne connaît par leur ombre
ce qui m’arrête
n’est que moi
ma tête trop nombreuse
un sens
un doute
il ne suffit pas de voir
le regard a fait tomber de moi
tout le visible
la langue lance vainement un pont
pour réparer
chaque syllabe est l’écho
travesti d’un adieu
pétale d’air
qui es-tu
je manque de toi dans ton nom
ah devenir l’ancien de soi-même
c’est parler
le souffle fait dans l’espace
moins qu’un reflet dans l’eau
[...]
l’art
n’est pas efficace
le désir non plus
laissons l’efficacité à la roue
et dites-moi où
en son commencement
les chemins ne font pas signe
ils sont les chemins
simplement
la langue s’en va sous les pierres
être là suffit
[...]
l’entre-deux fais-tu
eh qui puis-je
si l’air n’est pas aussi bleu sur tes lèvres
qu’au loin
nous cherchons partout le nulle part
d’une autre terre
le périssable
est dans nos yeux
la lumière coule vers le dehors
c’est la sueur des choses
écoute
je n’ai rien sur la langue
mais je dis
être ici est beaucoup
[...]
la mort
s’essouffle
et la vie
danse
haut
puis rien [...]
Bernard NOËL, L’été langue morte,
Les plumes d’éros, P.O.L,2009,
p.87-90 [Extraits choisis]
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